Le mythe du "bon sauvage"...

Publié le 15 Décembre 2012

Le mythe du "bon sauvage"...

Hérité du Moyen Age et de la Renaissance, le mythe du bon sauvage se cristallise autour de la figure d'un ancêtre mythique qui serait issu d'une société archaïque encore à l'état de nature. Cette utopie, véhiculée par les voyageurs et les missionnaires, aura permis à l'homme de projeter sur ces territoires lointains sa vision imaginaire d'une terre sur laquelle il vivrait heureux, en harmonie avec la nature dont les richesses lui épargneraient le travail. Le mythe du bon sauvage, comme toute représentation fantasmée de l'Autre, induit une part d'attirance et de répulsion.

 1. Découvertes et explorations

Apparu dès la fin du XVe siècle avec les grandes découvertes en Amérique (ce dont témoigne Amerigo Vespucchi (le marin italien qui donna son nom au nouveau continent) puis progressivement avec l'installation des comptoirs portugais le long des côtes africaines, le mythe du bon sauvage va surtout se développer durant le siècle des Lumières, entre 1760 et la fin du XIXe siècle, avec les voyages d'exploration en Océanie de Bougainville, James Cook ou La Pérouse. Outre ces objectifs scientifiques annoncés, ces expéditions sont également l'occasion de rivaliser avec les autres puissances européennes dans la découverte du monde et de montrer le pavillon français dans le Pacifique. L'émulation suscitée par les rivalités entre Hollandais, Français et Anglais occasionne des expéditions de plus en plus nombreuses, soutenues tant par les sociétés de savants que par le gouvernement qui y voit un moyen d'établir sa présence sur de nouveaux territoires.

 A partir du XVIIIe siècle se mettent en place deux figures traditionnelles attachées à l'Océanie : le kannibale et la vahiné. Ils vont nourrir l'iconographie de nombreux artistes et s'inscrire dans l'inconscient collectif jusqu'à aujourd'hui (il n'est qu'à regarder l'image que les publicitaires nous donnent de Tahiti).

2. Une source d'inspiration

Source d'inspiration pour les artistes comme le montre l'abondante production de Grasset de Saint Sauveur, le « bon sauvage » suscite également les réflexions des philosophes humanistes sur le fonctionnement et les modes de pensée de notre société : Montaigne (1533-15952) dont les textes sont fondateurs dans la constitution de ce mythe, Diderot (1713-1784), Voltaire (1694-1778) ou Rousseau (1712- 1778). Pour les hommes des Lumières, le « bon sauvage » incarne l'innocence et la pureté d'un paradis perdu car, loin de le rendre inférieur, cet état « primitif » lui permet de vivre en harmonie avec les hommes et la nature, sans notion de propriété. Ils imaginent ce mode de vie naturel comme la seule voie pour vivre heureux et vertueux et érigent la figure du « bon sauvage » en modèle d'une civilisation authentique encore à l'abri des vices de notre société.

Certains auteurs comme Rousseau et Diderot n'hésitent pas à s'interroger sur la nécessité de « civiliser » ces peuples et sur le droit de prendre possession de ces nouveaux territoires, remettant ainsi en question la notion même de colonisation. Dans son Supplément au voyage de Bougainville, (1772, publié en 1796), Diderot réagit au travail d'observateur de Bougainville (Voyage autour du monde, 1771), en répliquant avec le personnage du vieux sage tahitien autour de la notion de sauvage/civilisé et du savoir illusoire des européens qui leur permet moins de connaître l'autre que de nourrir leur sentiment de supériorité.

A la fin du XIXe siècle, on assistera à un tournant dans la représentation des populations extra-occidentales. La révolution industrielle initiée par l'Angleterre renverse l'image du sauvage bienheureux pour laisser place à la vision d'un peuple primitif, paresseux car bénéficiant de richesses naturelles tandis que la civilisation serait fondée sur le travail et le progrès technologique. La naissance des théories évolutionnistes et scientifiques justifieront l'infériorité de ces peuples et seront un moyen de légitimer la conquête coloniale et sa mission civilisatrice.

Rédigé par Le blog Lettres du lycée d'Ambérieu

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